La lutte contre le réchauffement climatique a beau supposer de se passer des énergies fossiles, la demande mondiale de pétrole est repartie de plus belle. Elle se dirige même vers un niveau record en 2023, à 102,3 millions de barils par jour (Mb/j) en moyenne, d’après les projections mensuelles, actualisées en juin, de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). S’il se confirme, ce total dépassera celui de 2019, qui excédait déjà les 100 Mb/j quotidiens.
La parenthèse liée au Covid-19 se referme avec force. La pandémie avait fait chuter la consommation à 91,7 Mb/j en 2020, avant des rebonds en 2021 (97,5 Mb/j), puis en 2022 (99,8 Mb/j). Sans le ralentissement dû à la crise sanitaire, « le niveau historique attendu pour l’année en cours aurait été atteint dès 2021 », observe Guy Maisonnier, ingénieur économiste à IFP Energies Nouvelles (Ifpen, ex-Institut français du pétrole).
« Cette spirale haussière de la demande montre l’inertie impressionnante du système. Nous restons encore dans l’ère des hydrocarbures », abonde Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie & climat de l’Institut français des relations internationales.
Un niveau inédit de demande
Les pays dits émergents tirent la demande. A commencer par la Chine, premier importateur mondial d’or noir et deuxième plus gros consommateur derrière les Etats-Unis. En avril, la première puissance asiatique a enregistré un niveau inédit de demande pétrolière, de l’ordre de 16,3 Mb/j, qui s’explique par divers usages des produits pétroliers, notamment comme carburant pour les transports mais aussi comme produit pétrochimique.
L’Inde n’est pas en reste, avec 5,5 Mb/j attendus au total pour 2023. Le pays, désormais le plus peuplé au monde (devant la Chine), a enregistré des records à son échelle pour le diesel et l’essence en mai, selon l’AIE.
A l’inverse, « la demande reste morose » dans la zone de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), selon le rapport. Soit dans les pays membres de l’Union européenne, les Etats-Unis ou le Japon. L’AIE, elle-même rattachée à l’OCDE, attribue ce constat au « contexte de la crise manufacturière actuelle ». En Europe, la demande pétrolière pour 2023 s’annonce ainsi inférieure à celle constatée en 2019 (14,9 Mb/j contre 15,7 Mb/j). Idem pour l’Amérique du Nord (24,7 Mb/j contre 25 Mb/j).
« Pas en phase » avec les ambitions climatiques
Le pic de la demande mondiale surviendra avant la fin de la décennie, estime l’AIE, avec une consommation progressant encore jusqu’en 2028, pour parvenir alors à 105,7 Mb/j. « Cette tendance s’explique, d’après l’AIE, par l’efficacité énergétique, la pénétration des véhicules électriques et le remplacement du pétrole pour la production d’électricité par le gaz naturel ou des énergies renouvelables en particulier au Moyen-Orient », écrit l’Ifpen, dans sa note du 19 juin.
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